Baiser Ma Femme Mes Amis
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Jean-Guillaume Lanuque, « Baek Nam-Ryong, Des amis (Pot), Arles, Actes Sud, 2011, 255 p. », Dissidences [Online], Février 2012, Littérature scientifique, Online since 02 February 2012, connection on 07 February 2023. URL : -bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=724
CICERON, au fond Merci, merci, mes amis. Vous savez ce que je veux, n'est-ce pas ? En me nommant, vous aurez l'ordre, la tranquillité, le commerce. LES BOURGEOIS Bravo ! VOLENS N'écoutez donc pas ce bavard qui parle pour de l'argent,qui dit blanc et qui dit noir, selon qu'on le paye en or ou en cuivre. A bas Cicéron ! à bas ! CICERON descendant la scène Oh ! oh ! je n'ai rien de bon à faire par ici, je suis en plein Catilina... Ah ! ah ! Caton. VOLENS, aux partisans de Catilina, qui rentrent Bon ! voilà du renfort qui lui arrive. Il va perdre son temps à bavarder avec Caton... Allez vite distribuer les bulletins et revenez. Ne va pas me perdre mon casque, toi ! CICADA N'aie pas peur !... (Il sort avec Gorgo.) Vive Catilina !... (Tous les partisans de Catilina sortent par la gauche.)
L'INTENDANT Voici l'argent promis par le seigneur Catilina. LENTULUS C'est toujours quelque chose. STORAX, à part L'intendant d'Orestilla !... Cache-toi, Storax ! cache-toi ! CURIUS Et, avec cela, as-tu des ordres de Sergius ? L'INTENDANT Pas d'autres que de remettre en son absence cet argent aux mains de ses amis. Vous êtes ses amis, je vous remets l'argent. CAPITO Vive Catilina, alors ! CURIUS Citoyens, c'est cent vingt sesterces par tête, n'est-ce pas ? TOUS Oui ! oui ! oui ! CICADA, prenant le mulet par la bride Oh ! le joli mulet ! (Il le baise sur le nez. Chacun s'éloigne. On partage l'argent de Catilina.)
ORESTILLA Eh bien ? L'INTENDANT Il n'est pas ici, comme vous voyez. ORESTILLA Et chez lui ? L'INTENDANT Non plus. ORESTILLA Ses amis savent-ils où il est ? L'INTENDANT Ils le cherchent comme vous. ORESTILLA Qui a renvoyé l'or, cette nuit ? L'INTENDANT L'intendant. ORESTILLA En disant ?... L'INTENDANT En disant qu'il vous remerciait, mais qu'il n'en avait pas besoin. ORESTILLA Il y a quelque chose d'étrange là-dessous. Cherche Nubia, et envoie-la-moi. L'INTENDANT Où dois-je l'envoyer ? ORESTILLA Ici. (Elle abaisse son voile et demeure adossée au tombeau.)
LENTULUS Comprenez-vous, Rullus ? RULLUS Le vote de toute cette tribu ? LENTULUS Non, l'absence de Catilina. RULLUS Catilina absent ? LENTULUS Sans que personne puisse dire où il est. RULLUS Et l'argent ? LENTULUS L'argent est venu, par bonheur. RULLUS C'est qu'il m'en faut pour mes hommes, et beaucoup ! LENTULUS On vous en a mis une sacoche à part. RULLUS Bon ! CAPITO, revenant Eh bien, Catilina ? LENTULUS Absent toujours, tandis que Cicéron parle, s'agite, pérore. Le voyez-vous, là-bas, avec Caton et Lucullus ? CETHEGUS Par Hercule ! l'auraient-ils assassiné ? VOLENS Assassiné ! Qui cela ? Si Catilina est assassiné, nous brûlons Rome : les funérailles seront dignes du mort ! CRIS DU PEUPLE Catilina ! Où est Catilina ? (Bruit, confusion.) CETHEGUS Faites-leur un discours, Rullus ; cela leur donnera un peu de patience. RULLUS Soit. LENTULUS Monte sur ce banc. RULLUS Romains ! TOUS Chut ! chut ! écoutons Rullus. RULLUS monté sur un banc Romains ! vous appelez Catilina, vous avez raison. Catilina, c'est votre ami, c'est notre patron à tous. Nmmez-le, et la première loi que nous rendrons, c'est le partage du champ public, ce champ qui appartient au peuple, et que les consuls louent à vil prix à des publicains comme Métellus, comme Lucullus, comme Caton. TOUS Bravo ! bravo ! RULLUS Rien que dans le partage des champs qui environnent Rome, et qui sont affermés aux éleveurs de bestiaux, il y a de quoi enrichir cent mille familles. TOUS Oui, oui, le partage du champ public ! la loi agraire ! la loi des Gracques ! RULLUS Puis il y a encore le territoire de Capoue qui est libre, et que le sénat se réserve ; un million d'arpents de terres et des meilleures de l'Italie ; les jardins qui ont arrêté Annibal, et qui, aux mains de nos administrateurs, sont devenus un désert. TOUS Bravo ! bravo ! RULLUS Votez donc pour Catilina ! pour Catilina, qui vous promet tout cela, qui veut que le peuple soit maître et roi, oui, maître et roi à son tour. Votez pour Catilina ! Je réponds de lui, je me porte garant pour lui. TOUS Vive Catilina ! RULLUS Vous fiez-vous à ma parole ? TOUS Oui ! oui ! RULLUS Me croyez-vous votre ami ? TOUS Oui, oui. RULLUS, tirant des bulletins Eh bien, pour Catilina, amis ! pour Catilina ! (Il distribue les bulletins.) LENTULUS, CAPITO, VOLENS Pour Catilina, amis ! pour Catilina ! (On porte Rullus en triomphe.) CETHEGUS Ils sont tous préparés, vous n'avez qu'à les mettre dans l'urne. TOUS Allons voter ! allons voter ! (Tout le Peuple sort.) RULLUS, s'essuyant le front Encore une bataille gagnée ! CETHEGUS, embrassant Rullus Vous êtes l'éloquence en personne, mon cher Rullus : une bouche d'or ! RULLUS Oui ; mais je ne les quitte pas. CETHEGUS Par Hercule ! je crois bien. Poussez-les, poussez-les ! RULLUS Je ferai de mon mieux ; mais, si Catilina n'arrive pas, je ne réponds plus de rien. CETHEGUS Allez toujours ! (Rullus sort.) LENTULUS Il a raison, Catilina nous perd. CAPITO Il faudrait gagner du temps. CETHEGUS J'ai une idée. LENTULUS Laquelle ? CETHEGUS Si Catilina n'est pas ici dans cinq minutes... LENTULUS Eh bien ? CETHEGUS Ce cher Rullus ! il est l'idole du peuple... CAPITO Vous le proposez à la place de Catilina ? CETHEGUS Allons donc! ce serait une infamie... Non, je le fais tuer dans un coin... LENTULUS stupéfait Qui, Rullus ? CETHEGUS Nous ferons venir un char, on le traînera au milieu de la foule... Nous crierons : Vengeance ! nous dirons que le crime vient de Cicéron, et nous ferons voter d'enthousiasme pour Catilina. LENTULUS Mais encore faut-il que Catilina soit ici, ou l'élection sera nulle.
CATILINA, escorté par la foule Me voici, mes amis, me voici ! TOUS Ah ! ah !... Vive Sergius ! vive Catilina! CETHEGUS Par Hercule ! vous avez bien tardé, Sergius. CATILINA Bonjour, mes amis, bonjour ! Oui, j'ai tardé, c'est vrai ; mille embarras sont survenus ; j'avais mon accord à faire avec Antonius... Eh bien, comment va le vote ? LENTULUS A merveille ! Heureusement qu'en ton absence l'argent est venu ; il a parlé pour toi. (On entend sonner l'argent.) Tiens, entends-tu ? il parle encore... CAPITO Allons, tu as bien fait les choses, Calilina, et il n'y a rien à dire. CATILINA Ah ! j'ai bien fait les choses, soit. Et César, l'a-t-on vu ? CURIUS Oh ! César votera pour nous. CATILINA lui tournant le dos Oui, comme votre tribu. CETHEGUS Que voulez-vous ! c'est une différence de quatorze à quinze mille voix. CATILINA Qui n'a pas d'importance, si nous avons les soixante-quinze mille voix de César. CETHEGUS Qu'il vienne seulement, et nous les aurons. TOUS Oui, oui. CATILINA Ceci vous regarde. Vous vous chargez de César, n'est-ce pas ? CAPITO ET LENTULUS Nous nous en chargeons. CATILINA Avez-vous vu mon nomenclateur ? LENTULUS Il était là tout à l'heure, travaillant de son mieux pour toi. CATILINA Holà ! maître ! STORAX, vivement Me voilà. CATILINA Viens. STORAX Deux mots, seigneur ? CATILINA Parle. STORAX Elle est là. CATILINA Qui ? STORAX Ne vous retournez point... Orestilla. CATILINA Où ? STORAX Auprès du tombeau. CATILINA C'est elle qui a envoyé l'argent ? STORAX Oui. CATILINA Je m'en doutais. Commençons par ces groupes. STORAX Mais nous allons de son côté ? CATILINA Pourquoi pas ? STORAX Bon Jupiter ! CATILINA N'es-tu pas déguisé de façon à ce que les Parques elles-mêmes ne te reconnaissent pas ? STORAX Je l'espère ! CATILINA Allons, redresse-toi et parle. Quels sont ces gens-là ? STORAX Le bleu ou le violet ? CATILINA Le bleu. STORAX Publius Pudens, marchand bonnetier dans le vicus Toscanus. Chef de centurie, deux enfants, un garçon et une fille ; le garçon boite. CATILINA Publius Pudens, salut ! (Les partisans de Catilina s'approchent.) PUDENS Salut, seigneur Catilina ! CATILINA Il est arrivé de belles laines de Judée cette année ? PUDENS Mais oui, seigneur. CATILINA Vous savez que je nourris bon nombre de brebis ; je puis vous envoyer quelques échantillons. PUDENS A quel prix ? CATILINA Oh ! mes échantillons, je ne les vends pas, je les donne. S'ils vous conviennent, vous viendrez prendre livraison à ma maison de campagne. En même temps, amenez votre fils qui boite, en le voyant passer, l'autre jour, mon médecin me disait qu'il y aurait peut-être moyen de le guérir. Il se mettra tout à votre disposition. PUDENS Merci. CATILINA Si vous n'avez pas de répugnance à voter pour moi, Pudens, je me recommande à vous et à vos amis. PUDENS Nous verrons, seigneur Sergius. CATILINA, l'embrassant J'attendrai respectueusement. (A Storax.) Et cette face blême ? STORAX Le violet ? CATILINA Oui. STORAX Marcus Bino, charcutier. Cent vingt voix ; marié depuis trois mois. CATILINA Salut, Marcus Bino. J'ai cent beaux porcs dans ma métairie de Féciale, je veux vous en envoyer une douzaine à titre de cadeau ; si ceux-là vous conviennent, nous traiterons des autres à un prix raisonnable, je vous le promets. BINO Merci. CATILINA Vous avez, par Hercule ! une figure de prospérité ; c'est sans doute le mariage ? STORAX, bas et vivement Ne lui parlez pas de sa femme, bon Jupiter ! CATILINA Pourquoi cela, puisqu'il l'a épousée depuis trois mois ? STORAX Elle est accouchée hier. CATILINA Votez pour moi, mon ami. BINO Peut-être. CATILINA Je me confie à votre amitié. (Les partisans de Catilina veulent prendre Bino, il refuse ; il sort avec les autres.) STORAX Voici, de ce côté, Furius Cappa et Tonstrinus Glabrio ; l'un est cabaretier, l'autre tondeur. CATILINA Mariés ? STORAX Cappa est veuf ; il a laissé tomber, dit-on, du haut de l'escalier un bloc de plomb sur la tête de sa femme. CATILINA Et Glabrio ? STORAX Glabrio est célibataire... Aïe ! voilà Aurélia. ORESTILLA bas Je n'y puis plus tenir. (Haut et relevant son voile.) Bonjour, seigneur Sergius. CATILINA Oh ! chère Aurélia, bonjour ! Que vous me faites plaisir en me venant joindre ici ! ORESTILLA J'étais là bien avant vous, Catilina, et je commençais à m'inquiéter, je vous l'avoue. CATILINA Et de quoi ? ORESTILLA Mais, d'abord, de ce renvoi d'argent que je n'ai pas compris après ce qui était convenu entre nous. CATILINA Mes amis m'avaient assuré que c'était une dépense inutile. ORESTILLA J'ai pensé qu'il y avait quelque malentendu, j'ai envoyé l'argent et je l'ai fait remettre à vos amis, qui l'ont parfaitement accepté ; sans doute, ce matin, ils avaient changé d'avis : la nuit porte conseil. CATILINA Merci, Aurélia. ORESTILLA Mais ce n'était pas seulement cela qui m'inquiétait. CATILINA Qu'était-ce donc ? ORESTILLA Ce matin, pensant que je pouvais vous être utile, je me suis présentée chez vous. CATILINA A quelle heure ? ORESTILLA A la première. CATILINA En effet, j'étais déjà sorti. ORESTILLA Ou plutôt vous n'étiez pas rentré. CATILINA Et c'est cela qui vous a inquiétée ? ORESTILLA Oh ! non ; mais on m'a dit qu'à la fin de la troisième veille, vous aviez envoyé chercher votre médecin Chrysippe, qu'on l'avait fait lever, et qu'il était parti sans dire où il allait ; j'ai craint qu'il ne vous fût arrivé quelque accident. CATILINA Chrysippe, cet hiver, a donné en mon nom des soins aux gens pauvres de la Suburrane et du Vélabre. Je l'ai mis en campagne pour faire récolte de voix. ORESTILLA De sorte qu'il moissonne pour vous, à cette heure ? CATILINA Probablement. Voulez-vous permettre que je continue mes suppliques ? Croyez que j'aimerais mieux causer avec vous que d'aller serrer toutes ces mains sales et baiser toutes ces barbes mal faites. (Clinias est entré depuis un moment.) ORESTILLA Allez ! d'autant plus qu'il y a là quelqu'un qui vous attend, ce me semble. 2b1af7f3a8